Histoire de la Franc-Maçonnerie
La Franc maçonnerie moderne trouve son origine en Angleterre, dans une coutume dénommée acceptation qui consistait à recevoir, dans un cercle de Maçons opératifs, en qualité de membres honoraires, des personnes étrangères au Métier.
Les premières loges spéculatives
C’est en Angleterre, à l’aube du 18e siècle, que la Franc-maçonnerie moderne a son origine réelle. A cette époque, les loges de compagnons maçons s’ouvraient aussi à des membres qui n’étaient pas du métier. Au fil des années leur nombre s’accrut et ces maçons acceptés commencèrent à privilégier le travail sur les idées plus que sur la construction matérielle.
Ce fut la naissance de la Franc Maçonnerie dite spéculative, telle que nous la pratiquons aujourd’hui. En 1717, 4 loges se réunirent pour constituer la première obédience : la Grande Loge de Londres. En 1723, deux pasteurs, Anderson et Désaguliers, rédigèrent des Constitutions fondatrices qui, quoique formellement calquées sur les anciennes constitutions de métier, les Old Charges, se démarquaient définitivement de la lignée opérative. L’ambition qui y est affirmée est celle de dépasser les antagonismes religieux qui avaient déchiré les pays, en posant des principes de liberté de conscience, de tolérance et de foi en la capacité de l’être humain à se transformer et à transformer le monde.
Bien que progressistes pour l’époque, ces constitutions ne faisaient aucune place aux femmes et l’histoire de la Franc-maçonnerie féminine s’inscrit, comme celle de l’ensemble des femmes, dans une démarche de lutte pour l’indépendance et l’autonomie. Leur accession à la démarche maçonnique a représenté une grande aventure de plus de deux siècles.
Les loges d'adoption
1726 est la date couramment admise pour l’arrivée de la Franc-maçonnerie en France.
La mixité est une habitude de la société française où depuis près d’un siècle fleurit une culture des salons conduite par des Dames de renom telle Madame de Rambouillet ou Mademoiselle de Scudéry.
Aussi un certain nombre de femmes sont-elles tout naturellement associées à ce mouvement qui leur permet de mettre en œuvre leurs aspirations à l’égalité aux côtés d’hommes qui partagent avec elles l’espoir d’un monde plus juste et plus vertueux
Qu’est ce qu’une Loge d’adoption ?
Il s’agit du nom donné aux premières loges où des femmes sont reçues Franches maçonnes. Elles sont fréquentées la plupart du temps par des femmes de la haute société : aristocratie, noblesse de robe, haute bourgeoisie.
C’est une minorité, instruite et cultivée, qui trouve un écho à ses aspirations dans ce mouvement novateur et généreux. Dans les rituels de Maçonnerie des femmes des loges d’adoption, dont le plus ancien manuscrit est daté de 1761, tous les grades et fonctions sont désignés au féminin.
La Franc maçonnerie exclusivement féminine moderne a gardé cette habitude.
Tout au long du 18ème siècle, un très grand nombre de loges d’adoption naissent en France, tant à Paris que dans les villes militaires parlementaires et portuaires de province. Il s’en ouvre également dans les grandes capitales en Europe et jusque dans les colonies.
Ces loges, créées au côté des loges masculines, suivent comme elles, les circuits des échanges commerciaux et des conquêtes de territoire.
On a cru longtemps que la plus ancienne était peut être la loge de Juste à La Haye, elle s’est réunie au moins durant quelques mois en 1751.
En France, cependant on note la présence de femmes dans les loges avant 1750 ; par exemple, à Bordeaux, dans la loge L’Anglaise, où il se disait, en 1746, que des Loges de Franches-Maçonnes dite des Sœurs de l’Adoption se tenaient en ville et à Brioude dans la loge Saint Julien où quatre femmes ont été initiées en 1747 .
Le Grand Orient de France constitué en obédience reconnaît les loges d’adoption le 10 juin 1774. Il les place sous son gouvernement, en codifiant leur existence et en leur donnant un statut, il impose notamment que les loges portent le même nom que la loge masculine aux côtés de laquelle elles fonctionnent.
La loge d’adoption La Candeur, créée en 1775, est très active. Sa notoriété est considérable. Elle entretient une vaste correspondance avec les loges d’Europe et des colonies. Elle est bientôt présidée par la Duchesse de Bourbon, Sœur du Duc de Chartres, et Grand Maître du Grand Orient, qui est aussi Grande Maîtresse de toutes les Loges d’Adoption de France.
La Révolution puis l’Empire avec le Code Napoléon et le XVIIIème siècle, peu favorable aux femmes, viennent cependant perturber toutes ces belles aspirations.
Les loges d'adoption sous l'Empire
Après la tourmente révolutionnaire, la Maçonnerie d’Adoption comme toute la Franc-maçonnerie française se reconstitue : elle reprend en 1798.
Les loges d’adoption sont à nouveau florissantes durant tout l’Empire autour de quelques figures illustres, telles Joséphine de Beauharnais et Caroline Bonaparte.
On voit fleurir des loges Sainte Joséphine et Sainte Caroline.
L’impératrice Joséphine est alors Grande Maîtresse des Loges d’Adoption Régulières de France. Les loges ne retrouveront néanmoins jamais l’importance et le lustre qu’elles avaient auparavant. Le Code Civil ayant renforcé le caractère subordonné de la position des femmes, elles perdent leur esprit novateur et égalitaire.
Les discours se voient surchargés d’éléments moralisateurs. On s’éloigne des figures allégoriques du 18ème siècle qui stimulaient le désir de perfectionnement, le travail sur soi et l’aspiration à accéder à la vertu afin de bâtir un monde meilleur. Les loges semblent disparaître dans la dernière partie du siècle sans être pour autant abolies.
La Maçonnerie d'Adoption au 20ème siècle
A la fin du 19éme siècle, pour toutes les obédiences, la question de l’initiation des femmes est un sujet brûlant. Pour l’immense majorité des Francs-maçons respectueux des principes édictés par les Constitutions d’Anderson, l’initiation des femmes selon le même rituel qu’eux, la présence de femmes comme membres ordinaires de loges masculines est clairement inacceptable.
Des femmes particulièrement combatives et militantes (dont Maria Deraismes et Madeleine Pelletier) réclament l’entrée des temples masculins et une initiation absolument identique à celle des hommes.
Un 1er résultat est obtenu par l’initiation de Maria Deraismes, le 14 janvier 1882 dans la Loge « Les Libres Penseurs » du Pecq, qui s’est rendue autonome pendant quelques mois. La loge-obédience « Le Droit Humain » est constituée en 1893.
A la Grande Loge Symbolique Ecossaise (GLSE), Obédience créée en 1880, en réaction à l’autoritarisme du Suprême Conseil Ecossais de France et dont l’existence s’achèvera en 1911, la mixité est établie à partir de 1901.
Madeleine Pelletier et Louise Michel y sont initiées.
La Grande Loge de France (GLDF) pour sa part redonne vigueur à la tradition du 18ème siècle.
Dès 1901, des loges d’adoption y sont constituées. Elles pratiquent un rituel repris de celui du 18ème siècle et sont sous la responsabilité de la loge masculine du même nom.
Le 20 mars 1901 a lieu la 1ère tenue de la 1ère loge ainsi créée, « Le Libre Examen », à ce jour, toujours loge n°1 de la Grande Loge Féminine de France ;
Une 2ème loge, initialement créée à la Grande Loge Symbolique Ecossaise, « La Nouvelle Jérusalem » est intégrée à la Grande Loge de France et la loge d’adoption est installée le 31 mai 1907. C’est maintenant la loge n°2 de la GLFF.
Malgré le conflit mondial du début du siècle qui en ralentit la progression, la Franc-maçonnerie féminine s’affirme.
L’idée d’indépendance émerge dès 1921. Neuf nouvelles loges d’adoption sont créées de juillet 1923 à décembre 1936, ce qui porte à 11 le nombre total de créations en ce début de siècle et à plus de 300, le nombre de sœurs initiées. Citons dans l’ordre chronologique : « La Tolérance », à Périgueux, « Union et Bienfaisance », à Paris, « Babeuf et Condorcet » à St Quentin, le « Général Peigné », « Minerve », « La Philosophie Sociale », « Thébah », « la République Sociale » à Paris et « l’Olivier Ecossais »au Havre.
Ces loges à l’importance longtemps occultée mais dont l’ouverture des Archives Russes ne permet plus qu’elles soient négligées, regroupent des femmes qui sont portées par un ardent désir d’affranchissement et par la volonté de changer les rapports homme/femme, non seulement dans la cité, mais aussi dans la famille et dans le couple…
Véritable berceau des idées nouvelles durant presqu’un demi siècle, elles sont des lieux privilégiés qui permettent aux sœurs de faire éclore leur identité féminine sans perdre la possibilité d’affirmer leur différence.
Une conscience collective maçonnique féminine se développe peu à peu.
En 1934, lors du Convent de la Grande Loge de France, les Frères envisagent, sans avoir consulté les Sœurs, de conférer aux loges d’adoption, l’autonomie la plus complète. Les Sœurs ne se sentant pas encore prêtes à assumer cette liberté et pressentant un cadeau empoisonné, décident, majoritairement, de demander le maintien du Statu quo ce qu’elles obtiennent en 1935 .
Dès l’année suivante, le Congrès annuel des Loges d’Adoption, officieusement réuni chaque année par les sœurs depuis 1926 et toléré par les frères, devient enfin officiel. Un « Grand Secrétariat » des Loges d’Adoption est créé.
Une première présidente, Anne-Marie Pedeneau-Gentily est élue à l’unanimité.
Les deux questions à l’étude des loges d’adoption cette année là sont « La femme et la liberté de pensée » et « Le redressement moral ». Le chemin vers l’indépendance est largement ouvert. Hélas, la deuxième guerre mondiale va disperser les maçonnes ; beaucoup d’entre elles sont déportées comme leurs Frères maçons, d’autres s’illustrent dans la Résistance.