Avec la signature par 45 pays de la Convention dite d’Istanbul[1] le 11 mai 2011, l’Union Européenne lançait au monde un signe clair : la violence à l’encontre des femmes, enfin reconnue et dénoncée, était traquée à travers deux axes essentiels du texte : la prévention et la lutte.
En ce lendemain de la Journée de l’Europe, la GLFF s’interroge : que reste-t-il de ce message d’espoir que représentait alors cette Convention ? Qu’en est-il de son application ?
Qu’en est-il de la prévention sur notre territoire, alors que nous apprenons qu’une jeune femme est immolée par son ex conjoint condamné précédemment à la prison, puis libéré prématurément ? Crime tragique, d’une barbarie intense… Un féminicide de plus, de trop.
Qu’en est-il de l’efficacité de l’ordonnance de protection[2], dont la difficulté d’application laisse le libre champ à toutes les violences ? En témoignent depuis l’été 2020 les dispositions ubuesques des ordonnances de protection visant à éloigner les conjoints violents de leur victime. En effet les victimes elles-mêmes doivent adresser à leur agresseur, dans les 24 heures, par huissier de justice, la requête, les pièces et l’ordonnance fixant la date d’audience (préalablement fixée par le Juge aux Affaires familiales) !
Tâche impossible ? La France regarde souvent ses voisines avec suffisance. Or, l’Espagne a réussi à endiguer le phénomène : plus de 39 000 ordonnances de protections en 2018 ; 2500 en France, en hausse, mais avec 221 pour la seule Seine–Saint-Denis…
Et dans le monde ?
Comment ne pas nous sentir solidaires des femmes turques dont le gouvernement a décidé unilatéralement en avril de se retirer de la Convention, laissant champ libre à l’inacceptable, et reniant les fondements mêmes de l’état de droit sur lesquels s’est construite l’Europe ?
Comment ne pas nous sentir solidaires des femmes afghanes, pays où des jeunes filles meurent parce qu’elles veulent apprendre ?
Dans sa Déclaration de Principes, la GLFF a inscrit qu’elle œuvre à l’accomplissement et au respect des droits des Femmes, condition indispensable de l’universalité des droits humains. Aussi les Sœurs de la GLFF ne peuvent rester insensibles face aux violences et aux menaces que subissent les femmes partout. Elles demandent une révision de l’ordonnance de protection pour la rendre applicable et efficace, et invitent à rappeler inlassablement l’existence de la Convention d’Istanbul et la nécessité de son application sans conditions.
[1] Convention du Conseil de l’Europe sur la Prévention et la Lutte contre la Violence à l’encontre des femmes, et la violence domestique
[2] L’ordonnance de protection a été créée par la loi du 9 juillet 2010 et prévue dans les articles 515-9 et suivants du Code civil et 1136-3 et suivants du Code procédure civile.
La Grande Loge Féminine de France